« 16 heures, 19 janvier 1981. Un après-midi d'hiver. Il fait froid dehors malgré un bon soleil de janvier qui fait paraître encore plus agréable l'intérieur modeste de ces deux vieux, âgés de 82 ans chacun, les R., sagement assis près de leur feu continu. Ils sont en train de déguster une tasse de ce sempiternel “café du Nord”. “Vous prendrez bien une tasse avec nous, docteur ? Il est bon, vous savez !” J'accepte rarement quelque chose à boire chez mes patients. Mais ces deux-là me font tellement penser aux vieux du conte d'Alphonse Daudet que je ne trouve pas le courage de refuser. La vieille est percluse de rhumatismes? Lui aussi. On commence à parler de ça mais bien vite, tasse à la main, on dérive. Ils habitent la maison depuis 1924, oui, 1924?! Nous voyons le passé non pas dans une boule de cristal, mais dans les volutes de nos tasses... La médecine et les remèdes s'éloignent, on n'en parle même plus. Et j'ai l'impression que toutes ces évocations de notre passé commun leur font plus de bien que mes drogues. “N'est-ce pas qu'il était bon le café, conclut madame R., eh bien, docteur, c'était du décaféiné !” » Ce récit fait partie des chroniques racontées avec simplicité par un médecin qui exerça pendant trente-quatre années dans le bassin minier de Lens. Emotion, rire et redécouverte du passé sont au rendez-vous, nous entraînant comme dans un roman vers des tranches de vie parfois drôles, parfois tristes, souvent touchantes. Au final, c'est un attachant panorama du quotid